Référence incontournable pour une poignée de génies du jeu vidéo, dont le créateur d’Ico, Fumito Ueda, Giorgio de Chirico s’invite avec SURREALISTa dans un espace vidéoludique entièrement consacré à ses travaux. Un voyage kafkaïen proposant d’arpenter la psyché tortueuse de l’artiste.
De Paul Grimault (Le Roi et l’Oiseau) à Raúl Rubio Munnariz en passant par Fumito Ueda et Jenova Chen, les œuvres métaphysiques du peintre Giorgio de Chirico n’ont cessé d’imprégner la culture populaire ces dernières décennies. Rien d’étonnant donc à voir débarquer aujourd’hui un jeu vidéo conçu exclusivement pour rendre hommage aux perspectives alambiquées de l’artiste – un temps surréaliste – italien.
« De Paul Grimault à Raúl Rubio Munnariz en passant par Fumito Ueda et Jenova Chen, les œuvres métaphysiques de Giorgio de Chirico n’ont cessé d’imprégner la culture populaire »
Plus frontale que la couverture d’Ico ou l’horizon sans fin de Journey dans son rapport au peintre et sculpteur, l’approche de SURREALISTa consiste en une forme de galerie virtuelle construite par et pour le créateur. Des arcades anarchiques, des portes qui planent dans l’espace, des escaliers qui ne mènent nulle part… Chaque détail est une façon de rappeler comment les paysages de De Chirico célèbrent le vide, sondent l’impénétrable.
Comme dans ses tableaux – dont sont souvent ornés les murs du jeu –, tout est scindé entre ombre et lumière. Des bustes classiques gréco-romains flottent dans l’air, tandis que se détachent au loin des tours mystérieuses. Un univers qui tient plus de la poésie virtuelle que du jeu vidéo classique. Le principal tour de force de ce trip aux confins du réel est d’être parvenu à reproduire la singularité des perspectives de l’artiste. Et pour cause : les volumes se télescopent et se contractent, le tout grâce au positionnement astucieux d’objets dans l’espace. Résultat, quelques éléments situés au premier plan éclipsent parfois un décor urbain tout entier. Phénomène qui nous invite alors à questionner la nature de ce qui est montré, confrontant la réalité de l’image 2D à l’impression 3D qu’elle tente de susciter.
Heureusement, le challenge n’est pas totalement délaissé, et il n’est pas que question d’explorer les arrière-plans de ces classiques de la peinture « oraculaire ». En gravissant certains monuments, il est par exemple possible de dénicher un passage – en l’occurrence un damier – permettant accessoirement d’accéder au niveau suivant. Même si ce concept métissé s’avère un peu vain, difficile de ne pas rester admiratif face au travail de transposition accompli par Carlos Monteiro, son développeur. Plus que jamais le jeu vidéo semble décidé à affirmer sa légitimité, et s’imposer comme un média conscient de ses influences.
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